La cafetière s'écoule doucement dans la cuisine
Dehors, il bruine
Elle se réveille enfin
Et prend son p'tit déj du matin
Elle le dévore
Et admire le décor
De son meublé 3 pièces
Grand standing, petit living
Juste à coté, de chez sa nièce
Elle se lève et va se préparer
Car, c'est déjà, le début de soirée
Madame dort le jour et vit la nuit
C'est comme ça, depuis, c'est vingt ans et demi
Elle se regarde dans la glace
Elle a du mal à regarder sa face
Un restant de maquillage
sur les paupières et le visage
Laisse à penser
Que la veille, elle était trop fardée
Elle prend sa douche
Elle en remet une couche
De peinture, sur la figure
Elle coiffe sa si belle chevelure
D'un mouvement sec et brutal
Comme si, elle voulait se faire mal
En dessous de son maquillage
On devine, un beau visage
Un peu abimé
Par la fatigue et le poids des années
On y devine aussi, une certaine souffrance
Avec une toute petite pointe d'insolence
Madame est belle
Elle met ses porte-jarretelle
Sa robe noire fourreau et escarpin
Car ce soir, la nuit lui appartient
Un dernier regard dans le miroir
Un peu d'alcool, pour moins avoir peur du noir
C'est l'heure du départ
Madame va arpenter les trottoirs
Elle en connait les moindres recoins
des faubourgs "sans amours"
Elle y va, tous les jours
De pas lancinants à des pas pressants
Elle s'abrite parfois du vent
Et elle attend
Son prochain client
Celui qui lui donnera de l'argent facile
Elle ne doit pas faire la difficile
Choix de vie pas ordinaire
D'une prostituée venue de Bavière
Ces années à travailler
Elle s'est habituée
Usée par ce métier
Elle a voulu 100 fois raccrocher
Mais pour faire quoi?
A ses dires, elle n'avait pas trop le choix
Elle a du fuir l'Allemagne d'après-guerre
L'engagement dans l'armée de son père
La défaite allemande
Elle a voulu se rapprocher de la lavande
Souvent, elle pense
Aurait-elle eu plus de chance?
Si finalement, elle aurait fui la France
Une vie d'errance, de rencontres incertaines
Y ajoutent un peu plus d'amertume à sa peine